Dans la forêt du Rukongai se baladait un petit lapin d'un blanc immaculé tout innocent. Il sautillait à droite et à gauche, remuant son petit museau,  en quête d’un délicieux petit trèfle à se mettre sous la dent. Quand soudain, un grand loup féroce surgit de nulle part pour le poursuivre, très affamé. Le petit lapin esquiva un coup de gueule et prit ses pattes à son cou, s’échappant aussi vite qu’il le pouvait pour sauver sa peau. Le canidé grognait et hurlait, pendant que le petit rongeur couinait de frayeur pour sa vie… De quoi on s’en fout ? Vous vous fichez du sort de ce pauvre petit animal qui va se faire sauvagement dévorer ?! Bande de sans cœur… Bon, vous avez raison, ce n’est pas intéressant. Focalisons-nous plutôt sur une scène allant se dérouler bien plus loin, au cœur du Seireitei, dans les rues pavés. Une scène grandement similaire à celle avec notre précédent être innocent couleur neige.
 
Un jeune garçon tout de noir vêtu comme toutes les personnes aux alentours, arborant une épée aussi grande que lui dans le dos ainsi qu'une chevelure excentriquement orange pétant, se baladait tranquillement dans le Seireitei, visitant un peu l’endroit avec attention. Notre intéressé avait du temps libre et ne pouvait le faire auparavant vu la situation dans laquelle il était, c'est-à-dire ryôka, ennemi des Shinigami. Vu qu’il n’était plus considéré comme tel, il était revenu pour faire plus ample connaissance avec les lieux et les résidents. Quand soudain, une ombre noire géante accompagnée d’un tintement de clochettes fit irruption derrière lui, interrompant le rythme calme de l’adolescent. Ce dernier eut à peine le temps de se retourner qu’il dût esquiver un geste offensif, traduit par une lame venant percuter le sol là où il se trouvait avant de se décaler de justesse. Et ce fut ainsi que notre petit lap- garçon dût prendre ses jambes à son cou pour s’échapper aussi vite qu’il le pouvait pour sauver sa peau. Le poursuivant hurlait à travers les rues, sommant au fuyard d’arrêter de courir entre deux rires de psychopathe quand il crut pouvoir l’atteindre, et la victime hurlait en retour son refus. Les rues, avant dans le calme, furent animées de hurlements et de quelques dégâts collatéraux.
 
Nous ignorons le sort du lapin blanc poursuivi par le grand méchant loup, mais notre rouquin avait de l’endurance et surtout la hargne de ne pas se laisser attraper par le fou furieux gradé Jû-ichi Ban Tai Taichô. D'ailleurs, il se demandait bien quand est-ce qu'il allait avoir la paix pour de bon.

La course poursuite amena le lycéen vers les quartiers de la cinquième division. Il eut le temps de lire le numéro en grande enseigne sur le bâtiment principal. Il n’y prêta pas grande attention, comparé à ce qui le poursuivait depuis plusieurs minutes. Il prit le chemin de gauche au détour d’un bâtiment, virage créant un angle mort pour le prédateur assoiffé de carnage. Le Shinigami Daikô profita de l’occasion pour se faufiler par une fenêtre dans les quartiers, exécutant un bond bref avec la main appuyée sur le rebord pour y arriver. Il plaqua son dos au mur en-dessous de l’ouverture, entendant alors l’autre individu passer en courant et s’éloigner sans s’arrêter, pensant que sa proie avait continué de lui échapper dans la ruelle. Une fois assuré de sa propre sécurité, le jeune garçon soupira grandement de soulagement en reprenant convenablement le souffle qu’il avait retenu le temps du passage de la bête féroce afin d’éviter de se faire attraper. Heureusement que le chasseur n’avait aucun don pour repérer le reiatsu des autres individus et que sa Fukutaichô, quand elle était avec lui, lui indiquait la route avec un sens de l’orientation tout à fait déplorable.
 

Aaaah..! Sauvé..! Purée...
 

Il se reprenait de cette course folle sans trop prêter attention à la salle dans laquelle il se trouvait…

Il croyait être en sécurité et que l’autre ne le trouverait pas ici. Mais surtout, il pensait être seul et qu’il pourrait reprendre son souffle calmement avant de repartir une fois sûr que la voie était libre. Ce fut une erreur que de penser cette dernière chose.

En effet, il ne s’était pas pointé par effraction dans n’importe quel bâtiment des quartiers de la cinquième division, il avait atterri carrément dans le bureau du Taichô. Comme si cela ne suffisait pas, le Taichô en personne était présent dans la salle, tout seul. Seulement, le Shinigami Daikô ne savait pas tout cela. Il ignorait dans quelle salle il était, ainsi que l’identité de la personne déjà présente en ces lieux.

Notre rouquin, qui se remettait de ses émotions, sursauta brusquement en entendant une voix qui lui était complètement inconnue et dont la provenance du son était très proche. Cette fameuse voix s’adressait vraisemblablement à lui directement de manière tout à fait pacifique malgré que notre jeune intrépide venait d’entrer sans préavis par la fenêtre. Aussitôt, il fit plus attention à ce qui l’entourait et chercha du regard la personne qui lui avait parlé. Il aperçut alors une tête à la chevelure dorée dépassant du dessus du bureau. Ichigo se releva en même temps que ses yeux noisette plongeaient dans le regard sanglant et intense de l’interlocuteur. Ce dernier laissa également voir son buste à présent. L’adolescent resta saisi, le regard écarquillé et la bouche bé démontrant un air surpris, mais aussi très interrogatif. Qui était cette personne ? Il ne l’avait encore jamais vu, ou alors, il avait dû l’oublier avec sa superbe mémoire spécialisée dans l’oublie des noms. En tout cas, cet individu le connaissait. Remarque, avec tous les évènements passés, qui ne le reconnaîtrait pas au sein du Seireitei ? Et puis, la question de ce dernier était involontairement comique. Ce que lui valait l’honneur d’une telle visite... On pouvait dire que la salle ici présente avait juste servi de planque pour échapper à une bête enragée qui continuait de courir dans la nature et que le rescapé ne s’attendait pas du tout à trouver quelqu’un ici. Sauf que ce rescapé essoufflé ne répondit pas à la question. Il remarqua plutôt que le Shinigami portait un haori par-dessus son shihakushô noir et il savait que seul les Taichô en arboraient un. Dans la tête du lycéen, la conclusion fut nette. C’était donc un Taichô qui se tenait devant lui et qui venait de le surprendre en flagrant délit. Un Taichô qu’il n’avait pas encore vu ? Puis, il sourcilla à cette réflexion. Il était dans les quartiers de la cinquième division et un Taichô se trouvait dans une salle qui ressemblait fortement à un bureau. Ce serait le Go Ban Tai Taichô ? Mais, ce n’était pas Aizen Sôsuke qui occupait ce poste ? Ce traître partit avec deux autres Taichô pour le Hueco Mundo quelques temps auparavant ? Ce manipulateur avait déjà été remplacé ? Depuis quand ? Depuis la comédie de son assassinat ou plus tard ?

Alors que le jeune garçon menait sa réflexion personnelle, le Taichô rangeait le bordel qui traînait et avait laissé voir le numéro de sa division dans son dos, confirmant ce que pensait l’adolescent. La mystérieuse personne s’adressa de nouveau à lui, l’air chaleureux bien que son regard ne laissait pas de marbre. Le rouquin ne fit pas très attention à la première question qui était plus une forme courante de politesse qu’autre chose. Il n’aurait pas eu le temps d’y réfléchir de toute façon, puisque la deuxième question interpella. Le Taichô, maintenant confortablement installé et regardant le nouvel arrivant ainsi que l’ouverture derrière, était bien perspicace ou plutôt, il était attentif à ce qui était évident. Il avait prononcé ces mots sur un ton amusé alors qu’Ichigo avait reprit son air sérieux, restant debout et acquiesçant.


Hai... On peut dire ça...


Il s’inclina légèrement en signe de respect, puisqu’il était en tord. Il avait fait irruption dans la salle, c’était au moins la moindre des choses. Il n’allait pas continuer à être irrespectueux.


Désolé du dérangement.


Sa curiosité commença à prendre le dessus. Des questions lui brûlèrent les lèvres et il se lança dans la minute pendant qu’il tenait l’attention du Taichô.


Vous êtes donc le nouveau Go Ban Tai Taichô ?


C’était une première question qui demandait bien des réponses, notamment un nom et un prénom, au minimum. Mais, c’était une manière à lui d’amener son interlocuteur à se présenter, puisque ce dernier le connaissait déjà.

Une fois que le calme était revenu aussi bien à la Soul Society qu’à Karakura, Ichigo s’était permi de revenir dans le monde des âmes. Cela aurait pu être pour tuer le temps, certes, mais c’était aussi pour mieux profiter des lieux et faire plus amples connaissances avec les résidents. Il faut dire qu’il n’en avait pas eu l’occasion avec les évènements récents, c’était logique. Il se promenait donc à droite et à gauche, repérant où se trouvait chaque division, croisant le chemin de têtes familières ou non, même celles dont il n’avait pas forcément envie de revoir de sitôt. Celle de Kenpachi Zaraki par exemple ? Parce qu’à chaque fois qu’il la voyait, il ne lui restait plus qu’à mettre son endurance et sa vitesse à rude épreuve pour lui échapper. Pourquoi vouloir lui échapper à tout prix sans même chercher à comprendre quoique ce soit  ou lui adresser un mot ? Tout simplement parce que raisonner un type comme ça était peine perdue.  Son unique ambition était de se battre frénétiquement contre le rouquin, le jugeant comme un puissant adversaire qui lui avait procuré énormément de plaisir et de fil à retordre durant leur précédent affrontement. Seulement, ce plaisir n’était pas partagé par le jeune garçon. Il avait vécu un combat contre le monstre une fois, il n’avait pas envie d’une deuxième fois. Il avait déjà donné, largement donné. En vérité, le Jû-Ichi Ban Tai Taichô lui filait pas mal la trouille. Toujours vouloir se battre, aimer ça jusqu’à l’euphorie, ignorer les blessures reçues pour ne cesser que lorsque l’un des deux adversaires était au sol et ne pouvait plus continuer. Dans le pire des cas, il était mort. C’était donc pour ces raisons que le Shinigami Daikô l’évitait du mieux qu’il pouvait, fuyant à la hâte lorsqu’il se faisait poursuivre par ce bulldozer ambulant. D’ailleurs, ce dernier qualificatif n’était pas du tout exagéré. Lorsque cette machine à tuer avait une proie en vue, tout ce qui se trouvait sur son chemin était écrasé, découpé ou démoli. Que ce soit un mur ou n’importe quoi, tout y passait. Les autres Shinigami n’avaient qu’à s’écarter de sa route pour sauver leur peau. Tout cela se déroulant dans une ambiance chaotique de hurlements et de rires de psychopathe. C’était pour cela que lorsque Kenpachi tombait sur la fraise, quasiment tout le Seireitei était au courant de l’ouverture de la cueillette. Certains s’amusaient de la scène, d’autres soupiraient de soulagement à l’idée que cela signifiait un retour au calme et à la vie normale, d’autres encore encourageaient le capitaine et les derniers compatissaient pour le fuyard. N’oublions pas bien sûr ceux qui s’en foutaient complètement.

Vu comme ça, on pourrait croire que la vie au Seireitei pour le roux était un cauchemar lorsque Kenpachi était dans le coin. Mais, il fallait dire que pour une fois, cette course poursuite acharnée avait été bénéfique. Fuir et se cacher de ce prédateur sauvage dans la cinquième division a permis à l’adolescent de rencontrer une nouvelle personne importante et unique en son genre. En effet, elle transcendait complètement les idées reçues que le lycéen avait des Taichô en général. Il s’était montré poli et respectueux comme il se devait après son intrusion, mais l’individu semblait ne pas vouloir s’ennuyer d’une attitude aussi formelle. Accoudé sur le bureau, la joue reposée sur un poing fermé, il gardait un sourire amical sur les lèvres et regardait avec intérêt le jeune Shinigami qui était toujours debout. Il invita donc, avec un geste de la main, son nouvel invité à s’asseoir devant le bureau, face à lui. Ichigo accepta l’invitation dans le silence, s’installant à hauteur de son interlocuteur.

L'officier fit savoir que présenter des excuses était inutile, étant donné qu’il comprenait tout à fait la situation. C’était déjà un bon point. Puis, il informa directement que se montrer formel avec lui était superflu, se redressant bien devant le rouquin pour dire qu’il n’était pas à l’aise avec le protocole et qu’il pouvait bien s’en passer. Le Shinigami Daikô sourcilla d’étonnement. Elle était bien bonne, celle-là. Un Taichô qui passait à côté de toutes ces règles de comportement ennuyeuses et surtout avec quelqu’un comme Ichigo. Ce dernier en était ravi et ça se voyait avec son léger sourire en coin. Il ne fallait pas lui dire deux fois, étant le premier à vouloir agir ainsi. Tout de suite, il se sentait déjà plus à l’aise. On reprochait quelques fois au rouquin d’être trop direct et familier ou même irrespectueux, voilà enfin quelqu’un à qui ce comportement ne dérangera pas.

Le Taichô affirma son rang et se présenta enfin sous le nom de Hiyuu Takumi. Alors, effectivement, le roux avait beau chercher dans sa mémoire, il ne se souvenait pas du tout de lui. Néanmoins, il eut de ce fait le réflexe de répondre à sa politesse.


Yoroshiku.


Il vit alors son correspondant tendre sa main vers lui, main que le jeune garçon serra avec la sienne sans plus attendre pour faire une poignée de mains. A présent, Ichigo avait vraiment l’impression de se trouver devant une personne tout à fait ordinaire qu’il aurait pu rencontrer n’importe où et ça lui plaisait beaucoup. Seul le haori montrait le rang de la personne.

Celle-ci reprit la parole. En effet, l’adolescent n’avait de cesse de se poser des questions à son sujet. Il était animé par une curiosité telle qu’il s’était remué les méninges pour arriver à comprendre la situation et qui était l’individu assis en face de lui. Il haussa les sourcils en apprenant que Takumi ne l’avait pas rencontré avant car il occupait le poste de Taichô depuis peu de temps et qu’il avait dû gérer toutes les affaires de la cinquième division en l’absence du Taichô et de son Fukutaichô. Autant dire qu’il n’avait pas dû sortir souvent de ses quartiers. D’ailleurs, il avait perdu le sourire, même s’il ne s’était pas assombrit, tout en s’installant à nouveau tout comme le lycéen. Ce dernier comprit mieux et su que ce n’était pas encore un défaut de sa mémoire s’il ne se rappelait pas de son nom et de son visage.


So ka...


Il fronça de nouveau les sourcils sans le vouloir car il plongea un instant dans ses pensées. Il songea juste que ce n’était pas un mal qu’il ne l’avait pas rencontré avant, lors de la période chamboulée de la Soul Society. Pourquoi ? Tout simplement parce que leur rencontre n’aurait pas été aussi douce et amicale. Les circonstances auraient été tout autres, car ils auraient été ennemis. Il sortit de ses pensées en constatant que son interlocuteur le détaillait de bas en haut. L’intérêt que le gradé lui portait du regard pouvait commencer à le gêner un temps soit peu. Qu’est-ce qu’il avait à le regarder comme ça ?

D’ailleurs, il demanda si le jeune arrivant avait d’autres questions. En voilà une de toute faite. Puis, l’idée selon laquelle ils allaient sans doute être amenés à s’allier et que la confiance devait être de rigueur entre eux était partagée par le Shinigami Daikô. Il hocha la tête en signe d’accord.


Ouais, c’est sûr... Mais, pourquoi vous me regardez comme ça depuis tout à l’heure ? Un truc vous turlupine chez moi ?


Avec la familiarité et le franc-parler qui lui collait si bien à la peau, il avait de ce fait répondu à la dernière question de Takumi : il avait d’autres interrogations à lui soumettre. Dans l’élan, il lui en posa une autre pour soutenir la sienne.


Vous avez aussi quelque chose à me demander ? Même si je sais que vous savez déjà pas mal de choses à mon sujet...


Il était bien conscient qu’il était un inconnu pour personne au Seireitei à présent. Alors, qu’on se mette à le fixer avec intérêt comme ça lui éveillait à nouveau sa curiosité.

Ichigo continuait de froncer les sourcils en observant le Taichô, se donnant un air très sérieux malgré lui. Enfin, l’attitude sérieuse lui saillait plutôt bien vu les questions qu’il avait posé. Il était assez curieux et lorsque quelque chose le chiffonnait, il n’hésitait pas. Surtout lorsqu’on lui en donnait l’occasion et c’était ce qu’avait permis Takumi.

Ce dernier ne perdit pas le sourire qu’il affichait depuis le début de la rencontre et répondit au jeune garçon de la manière la plus honnête et concise qui soit. Mais, celui-ci tiqua à la première phrase de sa réponse. Après s’être excusé de son attitude d’observateur aguerri qui avait le potentiel de créer une gêne pour l’observé, il déclara que même si le Shinigami Daikô le voulait, il ne pourrait pas lui répondre. Comment ça ? Qu’est-ce que cet individu pouvait bien penser et se demander sur le rouquin sans que le concerné puisse lui répondre ? Cette situation avait pour don de plonger l’adolescent dans un remue-méninge d’interrogations sur lui-même en se remettant en question. Son visage, dont les sourcils demeuraient toujours froncés par défaut, laissait voir également son étonnement face à cette affirmation, mais aussi ses doutes. Durant cet instant, le Taichô avait marqué une pause dans ses propos. Mais, il fit ensuite sortir le jeunot de ses pensées en s’approchant davantage de lui, ce qui eut pour effet de capter de nouveau toute l’attention. Il reprit la parole et les mots prononcés firent cette fois-ci sourciller fortement le rouquin. Le blondinet venait de remettre sur le tapis le fait que des individus s’intéressaient à lui. Aussitôt, Ichigo repensa à l’affrontement qu’il y avait eu contre Aizen Sôsuke sur le Sôkyoku. Ce traître lui avait dit une chose similaire, comme quoi il était intéressé par lui. Après, le jeune Shinigami ignorait qui d’autre pouvait lui porter de l’intérêt. Pourvu que ce ne soit pas ce Kurotsuchi Mayuri. Ichigo ne l’avait jamais réellement croisé, mais le connaissait assez par le biais d’Ishida Uryû pour savoir que c’était un scientifique complètement taré et à ne pas sous-estimer. L’expression faciale du rouquin s’était un temps soit peu assombrie à ces idées. Le nouveau Taichô de la cinquième division pouvait dire ensuite qu’il analysait beaucoup les gens malgré lui, il avait matière à travailler avec le nouveau Shinigami Daikô qui ne cachait pas tellement ce qu’il ressentait.


Ouais... Je vois...


Ce sourire quasi éternel, semblant disparaître rarement, continuait de s’afficher sur le visage de cet homme au regard sanglant. Lorsqu’Ichigo voulait le regarder, ses iris noisette venaient à se confronter avec ces iris de rubis. Que ce Shinigami souriait ou non, parlait ou non, son regard restait captivant dû à sa couleur et à son intensité. Cet instant de tête à tête fut interrompu par des bruits de pas se rapprochant, accompagnés par une voix provenant de juste derrière la porte du bureau. Le lycéen, après avoir haussé les sourcils, avait détourné la tête vers cette voix en fixant la porte. Un type demandait si le Go Ban Tai Taichô avait envie de boire quelque chose. C’est qu’on était assez bien loti en tant que Taichô si on mettait de côté la masse de paperasse à faire. Takumi ne répondit pas tout de suite et s’adressa à l’adolescent, qui le fixa aussitôt de nouveau, pour lui demander s’il voulait une boisson aussi. En général, le roux refusait poliment ce genre de demande. Mais avant qu’il eut le temps de donner sa réponse, le blond rajouta une réplique qui était bien sensée. Il était clair que vouloir supprimer le formalisme en continuant de vouvoyer était effectivement "paradoxal", comme il disait. A ces mots, Ichigo mit ses pensées de côté et esquissa un léger sourire en coin avant de répondre.


Eh bien, tu fais comme tu veux, ça me dérange pas du tout... En tout cas, non merci, je veux rien.


Sa réponse explicitait clairement son avis sur le sujet. Tandis qu’il faisait comprendre qu’il s’en fichait d’être tutoyé, il était d’accord pour le faire avec son interlocuteur et il avait déjà commencé de manière directe. Quand on lui tendait la perche sur une chose qu’il prônait généralement, il la saisissait vivement. Mais, on pouvait être sûr que lorsqu’on voyait l’adolescent vouvoyer, c’était parce qu’il vouait un profond respect pour la personne. Bien sûr, si on le voyait tutoyer, ça ne voulait pas dire le contraire. Enfin, ça dépendait fortement de la personne. En attendant, il commençait à apprécier le nouveau Taichô et ça se sentait, sans avoir besoin d’un sens aigu de l’observation. Le rouquin n’était pas doué pour mentir, aussi, il montrait toujours ce qu’il pensait des gens sans forcément le vouloir. La franchise pouvait être une qualité comme ça pouvait être un gros défaut.

Suite à sa prise de parole, il attendit quelques instants avant de se lever de sa chaise et d’aller à la fenêtre, celle par où il était entré par effraction quelques instants plus tôt. Il y passa sa tête et observa l’extérieur. On pourrait croire que c’était parce qu’il craignait le retour du tank qu’il faisait ça. C’était en partie vrai, l’idée lui était venue à l’esprit en même temps. Mais en l’occurrence, c’était juste pour regarder tranquillement les quelques baraques de la cinquième division ainsi que les Shinigami affiliés à cette dernière que l’on pouvait voir depuis le bureau. Pas mal de monde était en mouvement, même Takumi était en plein travail, ou plutôt en plein chambardement, avant que le jeune garçon n’arrive pour lui péter sa routine sûrement ennuyeuse.


Vous avez tous pas mal de boulot à faire après ce qui est arrivé...


Il tourna sa tête vers le blondinet pour finir sa réplique, parce que c’était toujours mieux de regarder l’interlocuteur quand on lui parlait. C’était aussi une petite forme de respect naturel.


... Pas vrai ?


Il avait déclaré ceci en comprenant bien qu’après le départ des trois traîtres qui étaient tout de même capitaine de division, en plus des dégâts causés par les nombreux combats dans le Seireitei, ce n’était pas une mince affaire de panser ce genre de blessure assez béante. Sans oublier qu’il n’y avait pas que ce genre de dégâts, il y avait aussi le moral des résidents qui s’en trouvait touché.

Ichigo était quelqu’un de très volontaire et énergique, l’idée de rester longtemps assis à parler était difficile à concevoir pour lui. Bien qu’il parlait avec le Taichô sans rien faire d’autre, aller regarder un peu ailleurs en même temps lui avait titillé l’esprit.  Ce n’était pas un problème d’attention ou un sentiment d’ennui, c’était plus dans l’optique de bouger un peu, sans oublier que son but premier en arrivant était de faire le tour du Seireitei. Pourtant, avec le marathon qu’il venait de faire, la normalité aurait voulu qu’il demeure assis pour prendre son temps et se reposer tout en discutant calmement. Mais, sa capacité à récupérer vite après l’effort était époustouflante, il avait rapidement cessé d’être essoufflé. Son endurance hors du commun sous sa forme spirituelle venait s’ajouter à la donne. Malgré tout, ce n’était pas non plus une pile électrique qui ne tiendrait pas en place. Bien au contraire, sa volonté de garder son sérieux faisait qu’il n’était pas non plus victime de la bougeotte. Il restait également attentif à ce que lui disait Takumi. Du coup, en tournant de nouveau sa tête vers ce dernier pour finir sa réplique, il le vit également se servir tranquillement une coupelle de saké, la bouteille étant auparavant rangée dans le bureau. Il supposa que le fait de "se mettre à l’aise", allait de paire avec "consommation d’alcool". C’était une notion que le Shinigami Remplaçant ne partageait pas. Basé sur les principes moraux, choses qui dictent énormément chacun de ses gestes, il s’en défendait. Le fait qu’il était mineur n’était pas l’unique raison.

A la question du rouquin qui demandait une réponse bien évidente, le Go Ban Tai Taichô accentua son sourire avant de commencer à faire disparaître dans son gosier ce qu’il s’était servi, le regard toujours attentif à son interlocuteur. Un soupire fut lâché de sa part en laissant un petit temps mort dans la discussion, avant que son expression si amicale et bienveillante laissa transparaître un air sérieux un bref instant. Alors qu’il répondait, l’adolescent se tourna presqu’entièrement vers lui, faisant presque dos à la fenêtre. Le blondinet confirma les pensées du roux. La chose primordiale qu’était le mental des Shinigami du Gotei 13 avait été profondément affecté et pas seulement au niveau du moral, mais aussi au niveau de la confiance porté sur les gradés. Cette confiance, Takumi comptait bien la regagner et il en faisait une mission prioritaire, auquel cas c’était toute la division qui allait droit dans le mur. Puis, il fit mention de ce qu’il faisait, à savoir le ménage dans les dossiers du précédent Taichô. Ichigo vint jeter un rapide coup d’œil à l’ensemble de la salle sans bouger la tête, visualisant bien le bordel que ça devait être d’accomplir une telle tâche. Quand son regard se déposa de nouveau sur son interlocuteur, ce dernier se resservait une coupelle en fixant le contenu, déclarant une remarque qui ne laissa pas le rouquin indifférent. Celui-ci était au courant depuis peu maintenant de l’affaire de trahison et de qui étaient grosso modo cet individu qu’était Aizen et ses deux acolytes. Conscient de ces faits, il ne pouvait qu’approuver ce que disait le Shinigami gradé. Son regard s’était légèrement accentué de gravité alors que son partenaire de discussion l’observait de nouveau. Ce visage chaleureux que le Taichô montrait, le roux ne le lui rendit pas.

La suite de la prise de parole de l’hôte démontrait une certaine confiance et certitude. Le Shinigami Daikô pouvait ensuite penser ce qu’il voulait de la chose, mais il rejoignait son avis. Il avait bien saisi qu’Aizen était un manipulateur et un calculateur. Si ce foireux avait fini par se montrer, c’était sûrement parce qu’il l’avait bien voulu, que ça faisait partie de ses plans. Il était très fort, il avait la situation bien en main, en aucun cas on l’avait pris en tenaille. Maintenant que tout le monde savait pour sa trahison, il était évident qu’il allait se montrer de nouveau tôt ou tard et qu’il faudra le stopper.

Voyant Takumi vider sa coupelle pour la remplir à nouveau, le lycéen ne put qu’avoir la pensée soudaine et brève que c’était un bon amateur de saké. Il vidait l’alcool de son récipient quasiment aussi vite qu’il le remplissait. Ichigo disait rien mais il avait compté : c’était déjà la troisième tournée. Enfin, c’était pas ses oignons. Tant qu’il se retrouvait pas à parler avec un bourré, il s’en foutait. Le blondinet ne l’avait pas quitté des yeux pendant qu’il se resservait et il demanda l’avis de son invité sur le dernier sujet de discussion. Bien que le jeune garçon était plus ou moins concerné, il pensait pas qu’on s’intéresserait à son opinion sur la chose. Mais, venant du Go Ban Tai Taichô, ça ne l’étonna pas plus que ça. Aussi, il fit part de ses pensées.


C’est toi et les autres Shinigami qui êtes les plus susceptibles d’avoir une idée sur le motif de ces agissements, vous le connaissez depuis une paire d’années. C’est pas mon cas et je trempe dans ces histoires que depuis peu de temps. A part ce qu’il a dit devant nous tous et ce qu’on m’a dit vite fait sur lui, je sais rien.


Son regard vint chasser sur le côté, annonçant déjà ses sentiments avant la suite de sa réplique.


... Et j’ai aucune idée de ce qui peut l’intéresser chez moi. Le fait que je sois un Humain à la base..? ... C’est comme s’il savait des trucs sur moi que moi-même j’ignore.


Il resta silencieux un petit moment après cette dernière phrase. Il releva ensuite le menton vers Takumi, les yeux soulignant son sérieux habituel.


De toute façon, s’il se repointe avec les deux autres, je serai de la partie.


Il n’avait pas déclaré ces mots en l’air. Il ne voulait pas en rester là dans cette affaire, il ne voulait pas être écarté sous prétexte qu’il n’était qu’un Humain et qu’il n’avait pas à fouiner dans les affaires des Shinigami. On lui avait foutu le nez dedans sans lui demander son avis, impossible qu’il puisse faire semblant de tout ignorer maintenant. En aucun cas, il voulait rester sur une défaite. La différence de force était flagrante, mais il était prêt à donner tout ce qu’il avait pour arriver à ses fins.

Takumi laissait bien la place à la détente. La tolérance de la présence soudaine et imprévue du rouquin dans le bureau alors qu’il l’avait dérangé en plein rangement, l’alcool, le sourire, la discussion pacifique, c’était un type qui paraissait facile à vivre et avec qui on pouvait se plaire à parler. Malgré l’évolution du sujet de discussion, le supérieur gardait cette expression chaleureuse, alors que le jeune garçon ne cachait pas sa rancœur. Ce dernier était loin de se douter que le Taichô ne faisait que cacher ses vrais sentiments. Pour Ichigo, il était quelqu’un d’honnête et franc, qui ne semblait pas se méfier de lui. Alors, pourquoi cacherait-il ses sentiments ? Il pensait simplement que c’était quelqu’un de zen et de confiant, qui ne jugeait pas nécessaire de s’énerver dans la situation présente, en pleine conversation qui invitait au calme. L’adolescent percevait surtout que c’était un grand amateur de saké qui tenait bien l’alcool en conséquence, malgré les coupelles remplies qui se vidaient en un rien de temps. Pourvu que ça allait durer, parce que même avec l’habitude, l’alcool finissait toujours par avoir raison sur l’organisme. Ils parlaient, mais, le Shinigami Daikô regardait et comptait discrètement le nombre de remplissage de coupelle, se créant ainsi un pari pour lui-même : quand est-ce que le Taichô allait ressentir les premiers effets de l’alcool ? Dans un service ? Deux services ? Plus encore ? C’était une petite distraction à côté de la conversation qu’il tenait. Non pas qu’il s’en foutait de ce qui se disait ou qu’il s’ennuyait, mais plutôt pour essayer de penser un peu à autre chose. Parler de sujets qui fâchent avec le rouquin était quelque chose à faire avec des pincettes et il était conscient de son impulsivité. Il voulait donc se détendre et se calmer à sa manière, ni vu, ni connu.

En tout cas, le visiteur apprenait à connaître ce nouveau capitaine, répondant ainsi à son objectif de départ. Il voulait un peu mieux prendre connaissance du Seireitei et des Shinigami qui fréquentaient le coin. Enfin, il pensait commencer à connaître son interlocuteur. Il était sans doute en train de se faire quelques fausses idées sur l'individu, vu que celui-ci affichait un air chassant toutes émotions négatives alors qu'il n'en était rien. Mais, Ichigo était loin d’avoir des doutes à son sujet, il n’y avait aucune raison pour qu’il en ait. Il était intelligent, mais nullement constamment méfiant et sur la défensive. C’était sûrement ça, l’un de ses points faibles.

Il conservait son air sérieux après ses dernières paroles, face au sourire grandissant du blondinet qui renchérissait ses dires. Le lycéen se faisait quelques idées sur ceux qui devaient dire qu’il n’y avait pas besoin de lui pour la suite des évènements. Dans le lot, il était persuadé qu’il y avait Kuchiki Byakuya. C’était une évidence à ses yeux, il le connaissait que trop bien à présent. Sur son visage marqué par les sourcils froncés et la bouche ferme, il montra une expression légèrement blasée un bref instant à cette idée. Le noble avait le don de l’énerver quand c’était comme ça. Devant ce blond qui prenait ses aises en picolant l’air de rien, le rouquin suivit un instant son regard qui était dirigé vers la fenêtre à côté de lui. Qu’est-ce qu’il pouvait regarder ? Il n’y avait rien... Il songeait, donc. A quoi ? Il ne tarda pas à le dire. Ses paroles étaient imprégnées de bon sens et laissaient un léger sentiment d’un adulte qui donnait une leçon de vie à un gamin. Le jeune garçon haussa les sourcils en regardant de nouveau cet être aux yeux sanglants, avant de fortement sourciller. Il avait bien saisi le message. Contrairement aux membres du Gotei 13, il n’avait pas côtoyé Aizen pendant longtemps, il l’avait juste rencontré récemment, sur le Sôkyoku. Il n’avait donc aucun jugement de fait sur lui avant ça, il ne le connaissait pas. Par contre, après ce que ce traître avait fait, il éprouvait une haine profonde envers l’individu. Takumi lui fit comprendre que cette haine ne devait pas influencer son jugement sur ce nouvel ennemi. Le Taichô avait déjà cerné plus que bien le roux, qui avait un caractère bien fort et entier. L’adolescent baissa légèrement le menton et garda le silence en prenant conscience des paroles du gradé qui continuait de vider la bouteille. Il aurait pu en caser une à ce moment, mais ce regard profond l’incitait à lui laisser la parole. Ces yeux laissaient sentir que ce n’était pas fini. Le rouquin se sentit mal à l’aise à ce que le Shinigami eut dit ensuite. Même l’hôte ne restait pas indifférent, comme contrarié et peiné de cette probable réalité. Ce traître ne s’avérait fort pas uniquement au combat, mais aussi intellectuellement. Il se faisait redoutable. Mais, même devant ce cas, Ichigo redressa la tête.


Ouais, je vois... Mais, même dans ce cas de figure, il y a forcément des choses qui n’ont pas été rendues sur papier, il ne sait pas forcément tout. En plus, je crois pas que les documents soient présents que dans les quartiers de la cinquième division, ça serait trop facile et non sécuritaire. Il y a forcément des copies archivées autre part et avec lesquelles il sera possible de discerner le mensonge de la vérité, ainsi que de voir ce qui manque. A moins que votre système d’administration soit boiteuse.


Il essayait de relativiser et de se rassurer, lui, le Taichô et sans doute les autres Shinigami. Mais, bien vite, une pensée réfléchie lui vint. Il parlait souvent avant d’avoir pleinement cogité.


Mais, vu qu’il a été capable d’aller jusqu’au Central 46... Je devine d’avance qu’il a sans doute aussi touché à ces archives, s’il y en a...


Il secoua doucement la tête, comme pour se reprendre. On sentait tout de suite quand c’était le cas juste en distinguant ses traits faciaux.


Enfin, savoir ça change rien de ce qu’on doit faire. On sait juste qu’il va falloir être méfiant et aviser vu que maintenant, on a conscience de ce qu’il est capable de faire.


Ce coup-ci, il tentait de mettre de côté ce bémol pour aller de l’avant. Il ne voulait pas s’attarder sur ces faits désolants, chose qui n’allait pas les aider à avancer. Ils devaient plutôt en tirer leurs propres informations pour éviter de récidiver une quelconque erreur similaire à l’avenir et pour pouvoir mieux agir contre leurs nouveaux ennemis. Comme on dit, ce qui ne tue pas rend plus fort...

Les deux hommes continuaient de discuter entre eux tranquillement de sujets tout à fait sérieux et intéressants, jusqu’à parler du fameux traître Aizen et ses deux acolytes. Cela ne laissait ni le Shinigami Daikô, ni son ainé indifférent. Ils s’échangeaient leurs avis et points de vue, malgré le statut du jeune garçon. Celui-ci observait aussi bien son interlocuteur que la bouteille qui voyait son contenu se faire lapider petit à petit. Ce type devait être un habitué des soirées arrosées… Aussi, Ichigo sentait toujours ce regard rougeâtre l’analyser de bas en haut, ce qui le faisait un temps soit peu sourciller par gêne. Lui, il se contentait de soutenir du regard ces iris sanglants. Mais, il finit par se dire que ce devait être normal chez le Taichô de se comporter ainsi avec son partenaire de discussion. Quoique, les sujets qu’ils avaient abordés amenaient le rouquin à penser que le blond semblait lui aussi chercher en quoi il était la cible d’Aizen. Le gradé ne devait pas être le seul à se demander ce genre de chose en plus. Pourquoi ce traître s’intéressait à l’adolescent ? Pourquoi il lui avait parlé directement alors que ce n’était qu’un ryôka ayant rien suivi des affaires de la Soul Society ? Tant de questions qui laissaient le lycéen dans le flou et lui filaient cet air grave qui le saillait tant.

Le rouquin se montrait assez réfléchi dans ses propos, même si la mauvaise habitude de parler avant d’avoir songé à ce qu’il allait dire lui collait à la peau. C’était le genre de comportement difficilement arrangeable, et personne ne pouvait rien y faire. Têtu dans l’âme, il restait immuable. En revanche, il pouvait faire un effort de réflexion et de sagesse, surtout quand on lui faisait la morale. Il était entêté, mais pas non plus un imbécile. Il avait l’esprit vif et comprenait rapidement ce qu’on lui faisait assimiler. Aussi, il avait acquiescé en silence aux paroles du Taichô, avant de faire part de sa manière de voir les choses. Il demeurait debout devant la fenêtre, en train de supporter sa jeunesse, devant le blondinet qui se tenait à son aise à son bureau. Ce dernier sembla approuver cette vision des choses que faisait partager le jeunot, avant de faire part de sa pensée. Son avis rejoignait celui du rouquin, comme quoi il allait falloir mieux connaître l’adversaire et agir différemment contre lui vu que celui-ci les connaissait. Les yeux noisette du jeune garçon vinrent à se plonger dans ce regard de rubis rendu intense. Takumi n’avait pas tord, mais quel genre d’élément il allait falloir mettre en avant ? Avait-il déjà une idée en tête alors qu’il fixait le benjamin des Shinigami ? L’adolescent resta dubitatif. Peut-être que lui aussi devait essayer de surprendre l’ennemi d’une quelconque manière ? Il savait juste qu’il se devait de devenir plus fort pour la suite des événements. L’ancien Taichô de la cinquième division l’avait battu si facilement…

Alors que le grand blond lui adressait un sourire en se redressant sur son siège, le jeune rouquin était comme préoccupé, plongé dans ses pensées. Resonger au fait qu’il devait devenir plus fort l’avait amené à se remémorer d’un événement arrivé durant son affrontement contre le capitaine de la sixième division, sur le sôkyoku. La manifestation intempestive d’une sorte d’égo, qu’il savait maintenant être un Hollow vu les effets produits par ce dernier sur lui et ce que lui avait raconté le traître. Perte de conscience et de contrôle de son corps, apparition progressive d’un masque sur le visage, il n’y avait aucun doute là-dessus. Ichigo n’était pas fou, il se rendait compte de la gravité de la chose. Il se devait de s’améliorer mais ce fait indésirable venait entraver ses ambitions. Depuis son affrontement contre Kuchiki Byakuya, puis contre Aizen, il ne s’était plus battu, ou du moins, sérieusement. Il avait l’appréhension de la réapparition subite de son némésis prêt à faire un carnage. Il le craignait. Il se sentait comme bloqué et oppressé, mais il n’eut parlé de ce problème à personne, pas même à ses amis ayant participé à l’assaut de la Soul Society. Il conservait ce problème pour lui, sans doute là un terrible défaut qu’il avait. Pourtant, ce n’était pas comme s’il pouvait faire abstraction de ce dilemme. Le roux pouvait entendre cette voix l’appeler et le narguer dans sa tête, comme s’il devenait schizophrène. Le lycéen sentait ce monstre s’approcher de plus en plus de lui, de jour en jour, le menaçant de prendre le dessus sur lui, de le bouffer. Il fronça davantage les sourcils à cette pensée, une perle venant à ruisseler de sa tempe gauche. La crainte et l’angoisse se lisait dans son regard.

Toutefois, le Go Ban Tai Taichô n’avait pas fini de prendre la parole. Ce dernier fit sortir la tête de hérisson enflammée de ses songes à l’aide de questions bien étonnantes. Il demandait des nouvelles de lui et de ses amis. L’adolescent fut un peu décontenancé, surtout suite aux pensées fortement lugubres qu’il avait eues. Il se reprit donc, pour lui répondre de la manière la plus normale possible.


Je vais bien, mes amis aussi… On a tous récupéré depuis. Enfin…


Il se tut quelques instants, se demandant s’il devait parler du cas d’Ishida Uryû. Sa relation avec le Quincy était ambigüe. Le binoclard réitérait tout le temps qu’ils étaient ennemis, ils se prenaient souvent la tête, mais Ichigo considérait qu’on pouvait toujours compter sur lui en cas de coup dur. En tout cas, l’archer n’allait pas fort. Bien que le brun à lunettes cachait ce fait, il perdait progressivement la force des Quincy. Après qu’Inoue lui avait fait se rendre compte de l’état d’Ishida, le rouquin avait fait une recherche de reiatsu et s’était aperçu de la chose. Il ne lui avait rien dit, mais il savait ce qu’il y avait maintenant. Alors à présent, il ne jugea pas nécessaire de le dire au Taichô. Après tout, les Shinigami étaient sans doute encore en froid avec les Quincy, après ces deux cents ans… Et en plus, Takumi ou les autres soldats du Gotei 13 n’étaient sûrement pas en mesure de l’aider pour ça. Il se rattrapa donc pour finir sa phrase.


… On essaie de bien se porter au niveau du mental pour la suite.


Beau rattrapage. A ce niveau, la spontanéité était son point fort, d’autant plus qu’il ne mentait pas. Tant mieux, car il n’était pas du tout doué pour faire avaler un mensonge gros comme une maison. Quoique… Il avait dit au blond qu’il allait bien lui aussi, ce qui était particulièrement faux. Mais, sans doute que le gradé l’avait discerné sans mal avec sa capacité d’analyse approfondie. Le jeune garçon ne voulait vraiment pas parler de ça avec lui.

Comme dans toutes conversations normales à propos de tels sujets, il était de coutume de renvoyer l’ascenceur.


… Et de ton côté ? Tout le monde va mieux aussi ?


Il n’était pas impoli, il demandait vraiment ça avec sincérité. Ils avaient parlé de se remettre moralement de la trahison, mais pas physiquement. Mais, c’était aussi un moyen pour lui de s’éloigner du sujet qui l’avait fait tiqué pour lui et le Quincy.